Des hommes d'une parfaite correction
rideau
russes à Berlin en 1945
russes 1945
soldats russes dans Berlin en 1945

La discipline et la correction des premières troupes russes stupéfièrent tout le monde. Le pharmacien Hans Miede remarqua que les soldats soviétiques « semblaient éviter d'ouvrir le feu sur une maison tant qu'ils n'étaient pas sûrs qu'elle cachât des défenseurs allemands ». Helena Boese, qui avait vécu dans la terreur de l'arrivée des Russes, se trouva face à face avec un soldat de l'armée rouge dans l'escalier de sa cave. Il était « jeune, beau garçon, et portait un uniforme impeccable ». Quand elle sortit de la cave, il se contenta de la regarder, puis, tout en lui faisant comprendre par gestes qu'il ne lui voulait pas de mal, lui tendit un bâton auquel était attaché un mouchoir blanc en signe de capitulation.
Ilse Antz, qui avait toujours cru que les Berlinois seraient « jetés en pâture aux Russes », dormait dans le sous-sol (le son immeuble quand le premier Russe entra. Réveillée en sursaut, elle le regarda avec des yeux agrandis par la terreur. Mais le jeune soldat brun se contenta de lui sourire et lui dit, en mauvais allemand :
— Pourquoi peur ? Tout va bien maintenant. Dors.

Il en fut de même dans tous les quartiers excentriques où les gens voyaient les troupes russes pour la première fois. Les éléments avancés de l'armée soviétique se composaient d'hommes rudes, mais d'une parfaite correction : ce n'était pas du tout ce à quoi les citadins terrifiés s'étaient attendus.
A 7 heures, ce soir-là, Pia Van Hoeven était en train d'éplucher des pommes de terre, assise à l'entrée de la cave de son immeuble. Près d'elle, d'autres femmes bavardaient, adossées à la porte grande ouverte de l'abri. Soudain, Pia leva la tête et resta bouche bée : elle se trouvait nez à nez avec la gueule menaçante de deux mitraillettes tenues par des soldats russes. « J'ai levé tranquillement les bras en l'air, raconte-t-elle, le couteau dans une main et une pomme de terre dans l'autre. » Les autres femmes la regardèrent, se détournèrent, et mirent à leur tour les mains en l'air. A la grande surprise de Pia, un des soldats demanda en allemand :
— Soldats ici ? Volkssturm ? Des armes ? Les femmes secouèrent la tête.
— Bons Allemands, approuva le soldat.
Ils entrèrent, prirent les montres de ces dames et disparurent.
Pia et ses voisines décrétèrent que tout ce que leur avait raconté Goebbels n'était qu'un tissu de mensonges, un de plus.
— Si tous les Russes se comportent de cette façon, dit Pia à ses amies, alors nous n'avons rien à redouter.

Le laitier Richard Poganowska arrêta sa voiture et ouvrit de grands yeux : cinq tanks russes appuyés par de l'infanterie remontaient la rue dans un grondement sourd. Il fit demi-tour et revint à la laiterie Domane-Dahlem, puis rejoignit sa famille à la cave.
Ils attendirent un long moment. Soudain, quelqu'un ouvrit d'un coup de pied la porte de l'abri, et des soldats de l'armée rouge entrèrent. Ils jetèrent un coup d'oeil autour d'eux, puis repartirent sans mot dire. Un peu plus tard, il en revint d'autres, qui ordonnèrent à Poganowska et aux autres employés de la laiterie de se rendre au bâtiment administratif. Pendant qu'il attendait, Poganowska remarqua que tous les chevaux avaient disparu, mais que les vaches étaient encore là. Un officier soviétique, qui parlait un excellent allemand, enjoignit aux hommes de reprendre leur travail. Ils devaient continuer, dit-il, à soigner les animaux et à traire les vaches. Poganowska avait du mal à en croire ses oreilles : il s'était attendu à bien pire.

Ils enfoncèrent la ceinture extérieure des défenses de Berlin et se frayèrent un chemin vers le second anneau de protection de la ville. Blottis derrière les chars T-34 et les canons automoteurs, ils se battaient dans les rues, sur les routes, dans les avenues et les parcs. En tête avançaient les rudes troupes d'assaut de la garde de Joukov et de Koniev, ainsi que les soldats casqués de cuir des quatre grandes armées blindées. Derrière eux arrivait l'infanterie, vague après vague.
C'étaient d'étranges soldats. Ils venaient de toutes les républiques d'Union soviétique et, sauf les régiments d'élite de la Garde, différaient autant par leur apparence physique que par leur uniforme. Ils parlaient un si grand nombre de langues et de dialectes que souvent les officiers ne pouvaient communiquer avec des éléments de leurs propres unités. Il y avait parmi eux des Russes et des Biélorusses, des Ukrainiens et des .Caréliens, des Géorgiens et des Kazaks, des Arméniens et des Azerbaïdjanais, des Bachkirs, des Mordves, des Tartares, des Yakoutes, des Uzbeks, des Mongols et des Cosaques. Certains portaient des uniformes brun foncé, certains des uniformes kaki ou gris-vert. D'autres étaient vêtus de pantalons sombres, avec des vareuses à col montant qui allaient du beige au noir. Leurs coiffures étaient également hétéroclites : casques de cuir avec rabats flottants pour les oreilles, toques de fourrure, casquettes kaki, bosselées, tachées de sueur. Tous semblaient porter des armes automatiques. Ils arrivaient à cheval, à pied, à moto, dans des voitures à cheval, dans des véhicules de toute sorte pris à l'ennemi, et tous se jetaient sur Berlin.

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La bataille de Berlin